Claudine Valette-Damase
Octobre 2024
La prise en compte du fait social de la vieillesse pousse à légiférer afin de limiter la ségrégation des citoyens très âgés mise en lumière par les nombreux décès lors de la canicule en 2003 et vingt ans après par la pandémie COVID.
Une fois encore, la dernière loi de politique vieillesse du 8 avril 2024 « portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir et de l’autonomie » n’est pas la loi d’envergure promise de façon réitérée et attendue sur « Le grand âge » mais l’urgence à répondre au scandale de l’accueil réservé aux plus âgés lors du COVID et aussi à ceux révélés dans les EHPAD.
C’est toujours l’urgence qui provoque le vote des lois concernant le vieillir, pourtant les enjeux démographiques en sont connus depuis longtemps et mériteraient une politique sociale à la hauteur. Selon l’Insee au 1er janvier 2023, 21,3% des habitants ont 65 ans ou plus en France. D’ici 2030, les plus de 65 ans seront plus nombreux que les moins de 15 ans.
Qu’est-ce que vieillir ?
Vieillir n’est ni une pathologie ni un dérèglement neurologique et cognitif. Aussi l’accompagnement ne peut-il être seulement médical et rééducatif. Quel que soit l’âge et quelles que soient les causes des déficiences et pertes auxquelles ces personnes sont confrontées, chacune reste avant tout un sujet tentant de soutenir son inscription dans un lien social.
Quelle politique vieillesse peut accueillir cela ? La tendance actuelle poursuivrait-elle un autre programme ?
En effet depuis quelques décennies, les études scientifiques entreprises par les GAFAM et les chercheurs du transhumanisme fondent leur programme de recherche et d’investissement en faisant de la vieillesse, une maladie à éradiquer.
Politique vieillesse en un clic
La naissance de la politique vieillesse se fonde sur le rapport Laroque de 1962, véritable cri d’alerte sur la situation particulièrement précaire d’un grand nombre de personnes âgées en France. L’intégration dans la société et le maintien des personnes âgées dans leur environnement constituent les mots d’ordre de cette politique vieillesse naissante mais il faudra attendre une dizaine d’années pour voir émerger des actions sanitaires et sociales coordonnées favorables au maintien à domicile[1].
Rapidement avec le ralentissement de la croissance, la maîtrise des dépenses de protection sociale et la décentralisation, les moyens alloués ne seront jamais à la hauteur des enjeux sociétaux. Aussi les politiques vieillesse se succèderont-elles, centrées sur la médicalisation de la vieillesse considérée sous le seul angle de la dépendance. Elles ouvrent ainsi le champ à la libéralisation et à la marchandisation du secteur avec le corolaire de la perte des droits.
Ode à la subjectivité
Le titre ambitieux de la dernière loi de politique vieillesse pourrait laisser espérer à une action sociétale d’envergure. En fait la loi se décline en un saupoudrage de mesures qui mettent au premier plan les aides et outils techniques pour répondre à la complexité des difficultés rencontrées dans ce champ et donc au détriment d’un accompagnement humanisé.
Aujourd’hui avec le changement politique que connait notre pays, la politique vieillesse a disparu tout simplement des programmes électoraux.
Ceux qui sont concernés par la question du vieillir vont donc continuer à miser sur la subjectivité, seule capable d’entraver la ségrégation.
[1] Cf. Questiaux N. (prés.) 1971, rapport du groupe de travail pour la préparation du VIe Plan (1971-1975) et Loi n°75-535 du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales.