Caroline Draussin
Octobre 2024
Jeudi 5 octobre, il flotte comme un air de grand soir devant le cinéma Les 7 Parnassiens[1]. Pas le grand soir de gala, pas de robes de soirée ni de smokings, mais la salle se remplit rapidement et sur invitation, elle est bientôt pleine, impatiente.
Comme pour toute première projection en public, l’équipe du film est invitée sur scène. Cela en fait du monde pour sortir un film ! Un travail de deux ans, nous explique-t-on. Une histoire de rencontres entre professionnels mais également entre l’équipe du film et les vieux, stars de ce film audacieux. Pourquoi est-ce audacieux, en 2023, de mettre les vieux en lumière ? Tout d’abord, parce que ce n’est pas sexy, les vieux. Ce n’est pas très vendable, disons… De nos jours, ce n’est pas très « instagrammable ». Choisir un sujet qui n’est pas vendeur pour un film, avouez que c’est déjà assez courageux !
Mais c’est surtout la manière dont Claus Drexel a choisi de filmer ces vieux qui est marquante. Le parti pris est plus qu’audacieux, un pas de côté pour un documentaire : pas de voix off, succession de portraits, on n’entend pratiquement pas de question ou d’intervention du réalisateur. La parole est définitivement et complètement aux personnes filmées. Les vieux sont dans leur lieu de vie, domicile ou institution. Les sujets évoqués sont divers, sérieux. On ne cède pas sur le réel de la vieillesse : la solitude (l’isolement, précise une des protagoniste), les deuils, la guerre, la mort. Pourtant, on entend souvent la salle rire. Pas pour se moquer, pas pour infantiliser : les personnes interrogées ne sont pas transformées en mignonnes petites mamies ou en gentils papys rigolos. Le rire est un élément de toutes les émotions provoquées par la succession des témoignages : la tristesse, la tendresse, la compassion, l’empathie et l’antipathie… On aurait pu entendre dire certains des plus jeunes présents dans la salle : « Je suis choqué ! ». Certains de ces vieux ne sont pas dans le politiquement correct !
L’audace enfin, selon moi, est de laisser la part belle à la singularité. Les vieux est un groupe hétérogène qui nous suggère que plus la vie est longue et plus la singularité s’exprime avec force. La pluralité des personnes interrogées et leur succession, sans contexte ni voix off, permet de souligner la particularité des témoignages. Ce documentaire pourrait donc être sous-titré d’une adaptation contemporaine de la célèbre phrase lacanienne : le vieux n’existe pas.
[1] Avant-première le 5 octobre 2023 du film Les vieux du réalisateur Claus Drexel, Gloria Films, sortie avril 2024.
